Urgence


Introduction


Conséquences ou répliques de la crise de 2008, nous assistons actuellement au retour massif sur le devant de la scène des enjeux et tractations financières permanentes, qui occultent les dangers que nous encourons. Les actions visant à anticiper au mieux les contraintes énergétiques et climatiques sont cachées derrière le bruit de fond des penseurs économiques de tout poil, alors qu'elles sont à la fois une des causes et l'un des moyens de se sortir du marasme ambiant.
En parallèle, des mouvements de déni de réalité émergent ou persistent, et cherchent à tout prix à discréditer les prévisions de raréfaction énergétique ou d'altération climatique d'origine humaine. Effectivement, lorsque l'on se penche sur les thématiques de l'énergie et du climat, l'on en vient systématiquement à remettre en question le mode de vie intégré et apprécié depuis notre plus tendre enfance. Pour certains, cette remise en cause est trop violente, et ne peut être volontairement acceptée, ainsi préfèrent-ils nier la réalité, ce qui leur sera d'ailleurs possible un temps. Lorsque ces individus ont pignon sur rue, ils causent malheureusement plus de préjudices aux autres qu'à eux-mêmes.
C'est pourquoi, pris sous le feu médiatique de différentes affirmations contraires, le public en vient à douter des réels dangers qui nous attendent, ce qui impacte l'univers politique, reflet (certes déformé) des aspirations citoyennes. Il me semble ainsi nécessaire de revenir aux fondamentaux : Les faits, issus de sources fiables.

Ce blog, et la présentation orale associée, ont pour objectif de vous donner suffisamment de billes, afin que vous puissiez commencer à vous forger une opinion ferme et réfléchie. J'espère également que, malgré les autruches et les fatalistes, vous saurez prendre part aux actions résolues et concertées qui émergent régulièrement. D'ailleurs, pour commencer, j'encourage tous ceux qui le souhaiteraient, à diffuser à leur tour les ordres de grandeurs en jeu dans ce challenge d'avenir qui s'annonce passionnant.

1. Pourquoi communiquer sur la contrainte énergie/climat ?


  • Contrainte en cisaille : Suite à notre soif de croissance du PIB, nous avons connu un développement exponentiel, qui a rapidement multiplié les ordres de grandeur de notre impact sur l'environnement (au sens large). Par la magie des exponentielles (voir §3.1, ou bien l'exercice sur le nénuphar), nous atteignons les différentes grandeurs caractéristiques du système planétaire dans une même période de temps, notamment en ce qui concerne les domaines énergétiques et climatiques. Cette situation est complexe à gérer, car la contrainte climatique accentue les phénomènes qui nous sont défavorables, tandis que la contrainte énergétique diminue notre capacité à y répondre.
  • Agir devant l'urgence : Une contrainte en cisaille est d'autant moins compliquée à résoudre qu'elle est prise en compte tôt. Il est absurde de rentrer dans la compétition du moins-disant environnemental sous prétexte que nous, les Français, ne sommes pas les pires pollueurs terrestres. La contrainte énergie/climat est inéluctable, car elle obéit aux lois de la physique, tout comme nos moyens d'y répondre. Alors, mieux vaut se préparer les premiers qu'échouer en dernier. D’abord la France, demain l’Europe, après-demain le monde.
  • Relancer une politique d'avenir :
    • Perte de vision à long terme : Les enjeux dont l'unité caractéristique de temps dépasse celle d'un mandat électoral sont artificiellement occultés. Il est nécessaire de rappeler l'urgence de la situation à nos représentants.
    • Les représentants du peuple : Les politiques répondent aux choix des citoyens. Ils ne sont que le reflet des avis de différentes majorités visibles et ne peuvent être plus sages que ceux qu'ils représentent et auxquels ils rendent des comptes : nous. Au peuple de prendre ses responsabilités, et de prendre conscience des enjeux énergétiques et climatiques afin d'entraîner les politiques dans une politique énergétique et environnementale vertueuse.
  • Repenser le modèle économique : Le modèle économique actuel a atteint ses limites : "Les ressources naturelles sont inépuisables, car sans cela nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées, ni épuisées, elles ne sont pas l'objet des sciences économiques" - Jean-Baptiste Say, Cours d'économie politique pratique, 1815. Il est plus que temps d'en changer ! 
De manière générale, nous sommes actuellement dans une période de conjonction de crises. Des modifications à la marge dans les secteurs touchés seront insuffisantes, car basées sur des indicateurs défaillants. Il est temps de remettre à plat notre mode de vie, et de prendre en compte l'intégralité des contraintes à venir ainsi que les inter-relations entre les domaines concernés.
Les contraintes ne doivent pas être perçues comme une fatalité, mais comme un cadre de développement. C'est à l'intérieur d'un cadre que la créativité et l'inventivité s'expriment. L'enfant se façonne dans le cadre éducatif, l'artiste dans les normes esthétiques et harmoniques, le scientifique se soumet aux lois de la physique, le blogger aux règles syntaxiques...
Avec la double contrainte qui nous attend, nous ne sommes pas prêts de ressentir l'angoisse de la feuille blanche...


2. Les enjeux énergétiques et climatiques

2.1. Nos besoins élémentaires

Il existe plusieurs manières de considérer les besoins comme élémentaires. Pour ma part, j'ai considéré le besoin élémentaire comme un besoin dont l'absence nous mène à une mort rapide. En voici une liste succincte :
  • Alimentation
  • Sommeil
  • Santé
  • Vivre en société

2.2. Conséquence de tensions sur les besoins

Il faut distinguer les contraintes amont et aval associées à la problématique énergie/climat. D'une part le changement climatique va créer des situations difficiles voire désastreuses, au sens étymologique du terme. D'autre part, notre pouvoir de réaction face à ces situations, ou notre action visant à s'en prémunir va diminuer, proportionnellement à l'augmentation du prix de l'énergie, qui correspondra à une baisse de disponibilité énergétique. Les principales conséquences des tensions sur les besoins me semblent être les suivantes :

2.2.1. Dépendance énergétique et raréfaction de l’énergie

  • Alimentation : Augmentation du prix, notamment liée au coût croissant du transport.
  • Santé : Précarité énergétique, rupture de chaîne du froid si black-out pouvant entraîner des développements microbiens néfastes, baisse de la disponibilité en médicaments issus de l’industrie pétrochimique.
  • Société : Stabilité sociale compromise par les points évoqués ci-dessus. Guerres pour l'énergie. (Ceci étant, ce n'est pas nouveau lorsque l'on songe aux guerres du Golfe.)

2.2.2. Perturbations climatiques

  • Alimentation : Mauvaises récoltes, stress hydrique.
  • Santé : Catastrophes climatiques, évolutions géographiques des maladies.
  • Société : Migrations massives, conditions de vie en difficultés croissantes.
Et le sommeil alors ? Eh bien, essayons-donc de dormir en pensant à tout ça !



3. Les leçons de l'Histoire

3.1. Une démographie jamais vue de mémoire de Terre

Pour mieux voir l'évolution démographique, voici une courbe retraçant l'évolution depuis 12 000 ans.

Si l'on regarde directement le tableau de données, la Terre a vu sa population humaine augmenter fortement à partir de -4000, et exploser dans les deux derniers siècles. Notons notamment que :
  • La population mondiale a été multipliée par 100 entre -4000 et 1800, soit 8% d'augmentation moyenne par siècle.
  • La population mondiale a été multipliée par plus de 7 entre 1800 et 2000, soit 160% d'augmentation moyenne par siècle.


3.2. La sécurisation des ressources énergétiques

Je ne m'étendrai pas sur ce sujet qui fait partie des héritages que l'on préférerait oublier. De tout temps, la "sécurisation" des ressources a été un enjeu majeur de développement, qui a conduit à des choix moralement répréhensibles. Considérons arbitrairement quelques événements touchant à l'une de nos mamelles énergétiques actuelles : Le pétrole.
Ces événements, dont un certain nombre similaires nous sont sans doute inconnus,  ont eu lieu dans un monde où l'approvisionnement pétrolier était sans cesse croissant. D'ici quelques années, l'approvisionnement pétrolier diminuera, entraînant avec lui un regain de tension continue. Il faut donc prévoir dès aujourd'hui cette situation de crise, afin de limiter les conflits qu'elle pourrait susciter, en identifiant les meilleures parades, qu'elles soient comportementales, technologiques, ou diplomatiques.

3.3. Les périodes charnières de l’Histoire marquées par le climat

Il y a d'étonnantes coïncidences entre le climat et les grands évènements révolutionnaires dont nous sommes si fiers. En effet, certains caprices climatiques semblent avoir servi de déclencheurs à des révoltes sous-jacentes. En voici quelques-unes concernant la France, que j'ai extrait d'un article rédigé par Emmanuel Le Roy Ladurie, un historien :
  • La révolution Française de 1789 : "Les pluies automnales excessives des derniers mois de 1787 firent tort aux semailles. L’année 1788 fut « climatiquement incorrecte », trop tiède voire chaude : un coup d’échaudage fut très nuisible à la récolte des blés sur pieds en mai-juin 1788, et l’été 1788 fut chaud mais surtout lardé d’intempéries, grandes grêles, orages… La moisson fut diminuée en volume d’environ 30 % et les prix du grain montèrent fortement en conséquence.
 [...] Les émeutes de subsistance et autres mouvements de rue intervinrent dans presque toutes les villes du royaume et dans le Plat Pays, et cela sans interruption, de manière croissante, depuis l’été 1788 jusqu’à l’été 1789."
  • Les trois glorieuses de 1830 : "Les mauvaises récoltes frumentaires s’étaient succédé progressivement depuis 1827, elles avaient causé ipso facto cette cherté céréalière : celle-ci commence lors de l’année postrécolte 1827-1828 et se poursuit jusqu’à l’année 1831. La responsabilité des mauvaises moissons ainsi mises en place revient à l’augmentation très importante des pluies enregistrée depuis 1827-1828 et qui se prolonge jusqu’en 1831. Il y a donc un petit élément de provocation météo parmi les innombrables facteurs qui président au grand trouble de 1830.
"
  • La révolution Française de 1848 : "La chose se complique climatiquement avec le coup d’échaudage, sécheresse incluse, de 1846. Le scénario est classique, la récolte céréalière est détruite à 30 % environ de son volume, ce qui fait bondir une fois de plus le prix du pain et initialement celui du blé ; prix fixé à 20 francs environ avant 1846 et qui monte brutalement à 30 francs ou davantage lors des années suivantes, sous le coup précisément de cette grave sécheresse échaudeuse. [...] Les émeutes de subsistance se multiplient à partir de 1846-1847, le pouvoir d’achat populaire se concentre sur l’acquisition du pain et de la subsistance en général, l’un et l’autre renchéris. Ce même pouvoir d’achat se détourne simultanément de l’acquisition des produits textiles, d’où un chômage marqué dans l’industrie cotonnière. Le mécontentement social et plébéien une fois de plus monte en flèche, ce qui facilitera l’escalade émeutière meurtrière révolutionnaire dans la capitale en février 1848.
" 
On pourra remarquer une certaine similitude entre ces événements et le Printemps Arabe. En effet, les pays d'Afrique du Nord importent beaucoup de céréales, et notamment de la Russie. Suite à l'année 2010 qui s'est avérée désastreuse en terme de production céréalière en Russie, celle-ci a décidé de limiter ses exportations. S'en sont suivi des émeutes de la faim dans les pays du Maghreb, qui ont certainement contribué aux révolutions Arabes.

La fréquence de phénomènes climatiques extrêmes étant susceptible de s'accroître avec l'augmentation de concentration des gaz à effet de serre, quel "surprise" l'avenir nous réserve-t-il ?


Date de mise en ligne : mars 2012
Dernière mise à jour : décembre 2013

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